Nous
sommes descendus du métro à la station d'Anvers, déjà
surexcités... Enthousiasme qui a été un tant soit peu douché par
la pluie battante qui nous attendait dehors. Nous avons assez
rapidement trouvé l'entrée du Trianon... mais il a fallu se mettre
au bout de la queue car le nombre de personnes qui attendaient était
déjà trèèès conséquent ! Nous nous mettions à l'abri
tantôt sous nos parapluies, tantôt sous les échoppes des
commerçants.
Pour
patienter un peu, nous avons chantonné quelques chansons du
répertoire de Malicorne. Mal, cela va de soi (enfin, dans mon cas),
mais on va dire que l'intention y était.
Éléonore,
qui est une amie « virtuelle » de longue date de ma Lau',
nous a rejoints au milieu de la file. Après les présentations, les
filles ont profité de l'attente pour papoter un peu...
Enfin,
une fois les portes ouvertes, la file a commencé à avancer, nous
sommes enfin rentrés nous mettre au sec. Le Trianon est une très
belle salle, élégante et conçue dans la plus pure tradition du
music-hall, l'ambiance qui y règne me plaît beaucoup... Il y avait
déjà énormément de monde à notre arrivée, nous avons trouvé
des places assez éloignées de la scène. Mais peu importait, on
voyait bien, c'était l'essentiel.
Après
une attente qui nous semblait interminable, nous avons eu la surprise
et le plaisir de profiter d'une première partie présentée par l'un
des membres fondateurs du groupe, Laurent Vercambre, échappé de son
Quatuor avec sa nyckelharpa, qui nous a interprété des classiques
de Malicorne tels que la Danse des damnés et la Gavotte (qui a
considérablement « réveillé » le public), mais aussi
des compositions faites de ses mains, et des morceaux suédois,
puisque c'est le pays de cet étonnant instrument à archet qui
ressemble à un croisement entre une viole de gambe et une vielle à
roue... Il entrecoupait également ces morceaux par des reels
irlandais. Ambiance garantie ! Comme son devoir au sein de son
propre groupe l'appelait, Laurent est sorti sous les applaudissements
nourris d'un public maintenant bien préparé et impatient de voir
son groupe de folk préféré.
Après
une petite pause au cours de laquelle Lau' et moi-même avons pu nous
rincer le gosier au bar du Trianon, les lumières sont tombées à
nouveau, et un concert de vivats, auquel nous nous sommes jointes
avec joie, a accueilli l'arrivée sur scène de David
Pouradier-Duteil, Yannick Hardouin, Nicolas Mingot, Gilles Chabenat,
Romain Personnat, Marie Sauvet et Gabriel Yacoub.
Gabriel,
tout souriant derrière ses Ray-Ban, a commencé à nous exprimer
leur joie à tous d'être là, d'autant plus que, disait-il, cela
faisait très plaisir de voir des jeunes nés après l'ère des
années 70-80 sensibles au mélodies et aux chants populaires qui ont
traversé le temps jusqu'à nos jours... et, fidèle à son habitude,
il n'a pu s'empêcher de chambrer un peu en sous-entendant que ce
n'était pas étonnant que Malicorne ait été programmé au cours
des Journées européennes du patrimoine.
Ils
ont commencé avec quelques grands classiques du groupe comme la
Complainte du coureur de bois, Voici la Saint-Jean, the
Lyke-Wake Dirge, ce superbe chant en haut anglais qu'ils ont
interprété a cappella et à trois voix, la Conduite (le
départ était un peu farfouillou, mais ils se sont rattrapés avec
une fluidité impressionnante), pour ne citer que ceux-ci...
Mon
grand bonheur, je crois, ça a été de constater que le public
était, de toute évidence, au moins « initié » à la
magie de Malicorne (mise à part notre voisine du devant... breeef)
et reprenait doucement, en chœur (et encouragé par Gabriel),
Comprenez-vous et l'Écolier assassin,
ou retenait son souffle dans une atmosphère presque religieuse
lorsque Marie chantait Le Luneux.
Comme je m'y attendais, cela a été un grand moment d'émotion, et
j'avoue avoir fini la chanson avec les larmes aux yeux...
Des
cadences soutenues de Bacchu Ber
aux polyphonies de Marions les roses
en passant par une séquence instrumentale brillamment menée par
Gilles, Nicolas, Yannick et David, le groupe a également interprété
Beauté, Twelfth
song of the thunder, Soleillet
de l'air en l'air, autant de
compositions imaginées par Gabriel au cours de sa prolifique
carrière solo, puis a « terminé » avec le classique, la
genèse, la chanson qui avait provoqué chez les membres de Malicorne
leur passion pour cette musique : Pierre de Grenoble.
Cette chanson, déjà magnifique et parfaitement interprétée, m'a
de nouveau déclenché quelques larmichettes (que celui qui vient de
dire que je suis hypersensible se dénonce, médisant qu'il est).
Pierre
de Grenoble étant
automatiquement suivi par Schiarazzula marazzula,
les spectateurs se sont progressivement levés en rythmant cette
danse italienne de leurs battements de mains, puis acclamant
bruyamment les artistes à la fin du morceau, réclamant d'autres
perles musicales... qui n'ont pas tardé à venir : Malicorne a
presque aussitôt enchaîné a cappella avec Margot en
rappel, puis la Danse bulgare et le Loup, le renard
et la belette au cours duquel Marie est descendue de scène et a
transformé le Trianon en salle de bal, entraînant dans une
farandole endiablée tous les spectateurs volontaires, tandis que les
autres continuaient à taper dans leurs mains, toujours debout,
transportés, emportés même...
Loin,
là-bas, dans le public, je planais en plein rêve, n'osant croire à
cette magie qui émanait de ce groupe et de ses sons, emballée par
leur musique...
Même
en sachant que l'after allait venir après, j'ai ressenti une pointe
de déception en me rendant compte que ce moment de grâce et de
« communion » entre le groupe et son public était déjà
terminé... J'avais les mains douloureuses à force d'applaudir, mais
je continuais malgré tout, consciente que Malicorne méritait une
formidable ovation.
J'ai
tout aimé, absolument tout : la set-list choisie,
naturellement, mais que dire des interprètes ? Ils nous ont
tous ravis par leurs performances, avec un trio David-Nicolas-Yannick
qui tenaient leurs places et ont également montré leurs capacités
vocales dans les chants à six ; un Romain appliqué sur son
diato, donnant des accents vibrants aux mélodies par sa voix
harmonieuse ; un Gilles tout fringant et très inspiré sur sa
vielle (ces impros, grands dieux, mais ces impros... et on voyait son
bonheur de jouer) ; une Marie pleine de joie et de vivacité
communicatives, tant pour les chants que pour les danses et le jeu
des instruments ; et bien sûr, un Gabriel égal à lui-même,
il ne s'est jamais départi de son caractère enjoué, et il reste
toujours touchant, toujours plein de sensibilité, toujours doté de
cette voix sublime, limpide, qui avait bercé ma prime jeunesse...
Des artistes. Des vrais.
J'avais
les jambes prises d'un irrépressible besoin de bouger, la tête en
ébullition, les mains brûlantes à force d'applaudir...
Après
ce moment mémorable, Gabriel a donné rendez-vous à tout le monde
au bar, puis les membres de Malicorne nous ont salués, et sont
sortis avec des signes de la main, sous un tonnerre d'acclamations
tant mérité... et nous sommes sortis aussi, flottant sur notre
nuage...
Notre
premier acte a été de nous diriger en direction de la table dressée
dans un coin de la pièce, chargée de produits dérivés... et j'ai
craqué : je n'ai pas pu m'empêcher de m'offrir un tee-shirt.
Je n'ai pas été la seule, d'ailleurs... et ce n'était pas chose
facile, car le coin était noir de monde ! Nous nous sommes
ensuite frayé un chemin au milieu des spectateurs, non sans peine,
en attendant la sortie des artistes. Ceux-ci n'ont pas été très
longs : très intimidée, j'ai suivi les popains pour aborder
les membres du groupe, à commencer par Marie, à qui je n'avais
encore jamais parlé, et qui m'a gentiment saluée et fait la bise,
voyant que je faisais partie de la « bande ». Comme
d'habitude quand je suis confrontée à l'une de ces personnes que
j'admire et respecte, j'ai seulement réussi à bafouiller une phrase
(sans doute un truc débile, je me souviens plus). Idem quand nous
nous sommes approchés de Romain, qui m'a reconnue (pour m'avoir
croisée trois mois auparavant au festival du Son Continu,
physionomiste qu'il est...) quand je suis venue à la suite de Lau'
pour lui faire la bise, j'ai à peine réussi à lui dire combien
j'avais aimé sa prestation. Fichue timidité... Mais c'est pas
croyable c'que cet homme est gentil, souriant et modeste !
Le
« patron » Gabriel étant sollicité de tous les côtés,
nous avons décidé d'attendre en buvant une bonne bière, histoire
de se rafraîchir, car mine de rien, il faisait une chaleur
d'enfer... mais c'était compter sans mon impatience crasse :
après avoir sifflé ma bibine comme une assoiffée, j'ai repéré
Gilles, accoudé au comptoir ; laissant Lau' papoter avec Cyril
et Éléonore, je me suis timidement approchée de lui en espérant
pouvoir le féliciter pour ses talents de musicien, même si, à
l'évidence, je n'étais pas du tout à l'aise. Il a bien vu que je
voulais lui parler, et m'a reconnue aussi quand j'ai évoqué
l'épisode de la MJC de Montluçon ('tain, c'était il y avait six
mois quand même) ; je lui ai dit une fois de plus combien
j'étais impressionnée par ses prouesses et sa maîtrise de la
vielle, ajoutant qu'essayer celle de Solly m'avait encore plus
motivée à en faire. Très aimable et humble comme à son habitude,
il m'a aussitôt répondu que tout ceci n'était dû qu'à son
travail, et il m'a également encouragée à m'y lancer aussi. Il m'a
confirmé que certains passages étaient de l'impro totale, comme je
le pressentais... Comme il était demandé, je l'ai laissé se
détourner. (Petit moment de satisfaction perso : non seulement
j'ai réussi à parler, mais en plus, j'y suis allée seule, et sans
trop bégayer. Yes.)
J'ai
rejoint la bande histoire de papoter encore un peu, encore et
toujours surexcitée (ouais, y'a des moments où je suis une vraie
pelote de nerfs), et puis j'ai comme qui dirait légèrement bugué
en réalisant que Gabriel était revenu et qu'il était non loin de
nous ; nous sommes donc allés le voir ensemble, après
présentation, il m'a lui aussi reconnue (et m'aurait sans doute fait
un câlin comme à Montluçon s'il n'avait pas eu son verre dans la
main...). J'ai encore une fois peiné à m'exprimer sur ce que la
performance que je venais de voir sur scène m'inspirait, sur
l'instant de magie que cela avait été pour moi... mais j'ai tout de
même réussi à dire combien j'étais ravie d'avoir enfin vu le
groupe au complet sur scène. Comme un rêve, logé dans ma tête
depuis toute petite, qui se serait réalisé. Gabriel étant
sollicité lui aussi, nous l'avons laissé aller après avoir échangé
quelques mots avec lui – d'aucuns me diraient que ce n'est pas
grand-chose, mais ce sont ces petits moments les plus précieux, ces brèves paroles qui s'avèrent importantes à
nos yeux, ces
instants de notre vie qui nous marquent et se gravent durablement
dans nos souvenirs.
Que dire, si ce n'est que je les adore encore plus qu'avant (oui oui, c'est possible) et que je n'ai qu'une hâte, celle de les revoir... ? Leur musique, leur présence sur scène et leur gentillesse m'ont ravie. Ve les aime !